BIF N°121 du 10 septembre 2021

Objet : Loi n° 19-20 modifiant la loi 17-95 relative aux Sociétés Anonymes et la loi n°5-96 sur les Sociétés en Commandite Simple et par Actions, les Sociétés en Nom Collectif, les Sociétés en participation et les Sociétés A Responsabilité Limitée

Chers Clients et Abonnés,

Durant la dernière décennie, le Maroc a déployé des efforts satisfaisants en matière de modernisation de l’arsenal juridique en droit de sociétés, notamment la loi 17-95 sur les Sociétés Anonymes « SA » et la loi 5-96 sur les Sociétés en Commandite Simple et par Actions, les Sociétés en Nom Collectif, les Sociétés en participation et les Sociétés A Responsabilité Limitée dans l’objectif de promouvoir l’investissement.

Aussi, suite à la conférence internationale sur la justice tenue en 2019 à Marrakech où des Hautes Orientations ont été adressées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI aux participants à ladite conférence, un projet de loi n° 19-20 avait été élaboré par le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Economie Verte et Numérique autour des axes suivants :

– Assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des organes d’Administration et de Gouvernance des Sociétés Anonymes ;
– Instituer une nouvelle forme de Société par Actions dénommée « Société par Action Simplifiée » ;
– Améliorer la capacité de financement des Sociétés Anonymes en facilitant le recours à l’emprunt obligataire ;
– Clarifier les articles 300 à 302 de la loi sur les Sociétés Anonymes relatifs au représentant de la masse des obligataires ;
– Instaurer un régime de rotation des commissaires aux comptes ;
– Etendre le champ d’application des dispositions permettant la réunion à distance par moyen de visioconférence des organes de l’Administration des Sociétés Anonymes à toutes les décisions de leurs Organes.

Par la suite, la loi n°19-20 a été promulguée au Bulletin Officiel « BO » N°7006 du 22
juillet 2021.

I. Assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des organes d’Administration et de Gouvernance des Sociétés Anonymes

Cette disposition a pour objectif la bonne application du principe de parité entre les femmes et les hommes prévu par l’article 19 de la Constitution. Elle encourage l’équilibre dans la représentation au sein des Conseils d’Administration et des Conseils de Surveillance des Sociétés Anonymes en prévoyant dans les articles 39 et 83 de la loi 17-95 précitée que les sociétés admettent, à travers la composition du
Conseil d’Administration prévue par les statuts, la recherche d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes.

Pour les Sociétés faisant appel public à l’épargne « APE » :

Ces sociétés devront assurer une représentation des femmes de 30% au 1er janvier de la 3ème année suivant l’année de la publication de la loi pour se fixer à 40% au 1er janvier de la 6ème année suivant l’année de cette publication au sein de leurs Conseils d’Administration ou de Surveillance.

Dispositions à respecter :

– Représentation des femmes de 30% à partir du 1er janvier 2024
– Représentation des femmes de 40% à partir du 1er janvier 2026

A noter que si ces dispositions ne sont pas respectées, les jetons de présence ne pourront être versés aux membres du Conseil d’Administration ou de Surveillance jusqu’à la régularisation de leur composition.

Dans le cas d’un Conseil d’Administration ou de Surveillance composé au plus de 8 membres, l’écart entre le nombre des membres de chaque sexe ne peut dépasser deux (2).

Par ailleurs, les comités techniques prévus aux articles 51, 76 et 106 bis de la loi n°17-95 doivent comprendre au moins un représentant de chaque sexe dès la première Assemblée Générale Ordinaire qui suit la date de la publication de la présente loi au BO.

II. Instituer une nouvelle forme de société par Action dénommée «Société par Actions Simplifiée»

La loi a abrogé les dispositions du titre XV relatif à la Société Anonyme Simplifiée « SAS » entre sociétés de la loi n°17-95. Pour rappel, selon l’article 425 de la loi n°17- 95, en vue de créer ou de gérer une filiale commune, ou bien de créer une société qui deviendra leur mère commune, deux ou plusieurs sociétés peuvent constituer entre elles une société anonyme simplifiée régie par les dispositions du présent titre.

La Loi N°19-20 a introduit au niveau de la loi n°5-96, un nouveau cadre juridique d’une société dénommée Société par Actions Simplifiée « SAS ». Ce nouveau véhicule a pour objectif de faire promouvoir les « start-up ».

Cette forme de société peut être créée non seulement par une personne morale mais aussi par une personne physique. Aussi, elle peut résulter de la création décidée par la volonté de plusieurs associés ou par un seul associé dénommé Associé Unique sous la forme « SASU ». Elle ne peut faire publiquement Appel à l’Epargne.

Cette nouvelle forme de société offre à ces dirigeants un cadre de fonctionnement et d’organisation marqué par une grande souplesse dans les statuts. En effet, une grande liberté est accordée dans les statuts en ce qui concerne les dispositions suivantes :

– Mode d’organisation ;
– Mode de Direction ;
– Désignation et pouvoirs du Président (Personne morale ou physique) ;
– Fixation du montant du capital social ;
– Nature et répartition des actions ;
– Modalités de souscription, de négociabilité ou non des actions ;
– Modalités de cession des actions ;

La SAS peut, par la décision de ses associés, désigner un commissaire aux comptes. Contrairement à la société anonyme, la SAS n’est tenue de désigner un commissaire au compte que lorsque son chiffre d’affaires dépasse un seuil fixé par voie réglementaire.

III. Améliorer la capacité de financement des Sociétés Anonymes en facilitant le recours à l’emprunt obligataire

Cette nouveauté tend à relancer l’activité économique, à élargir l’accès aux Sociétés Anonymes à l’émission d’obligations pour leurs besoins de financement, à clarifier d’avantage les modalités de leur garantie obligataire et à renforcer le rôle du représentant de la masse des obligataires en clarifiant les critères de sa désignation.

A cet effet, les sociétés n’ayant pas encore deux ans d’existence peuvent émettre des obligations à condition :

1) que le capital soit totalement libéré ;
2) que l’émission soit précédée d’une vérification de l’actif et du passif par un commissaire aux comptes ;
3) que le placement de l’émission soit réalisé exclusivement auprès d’investisseurs qualifiés tels que définis par la législation et la réglementation en vigueur.

IV. Clarifier les articles 300 à 302 de la loi précitée N°17-95 sur les SA relatifs au représentant de la masse des obligataires

Les dispositions des articles 300 à 302 de la loi précitée N°17-95 ont été abrogées et remplacées par d’autres articles (Cf. BIF N°117).

V. Instaurer un régime de rotation des commissaires aux comptes

Cette réforme a pour objectif d’instaurer un régime de rotation pour le renouvellement du mandat des commissaires aux comptes au sein des Sociétés Anonymes faisant Appel Public à l’Epargne pour une période ne dépassant pas 12 ans avec un délai de viduité de 4 ans qui suit la fin de leurs mandats.

VI. Etendre le champ d’application des dispositions permettant la réunion à distance par moyen de visioconférence des organes de l’Administration des Sociétés Anonymes à toutes les décisions de leurs Organes

Cette réforme intervient en réponse aux difficultés liées à la tenue des réunions des organes d’Administration et de Gouvernance des Sociétés Anonymes suite à la déclaration de l’Etat d’urgence sanitaire depuis plus d’une année.

Il s’agit, en effet, de généraliser d’une manière permanente le recours aux moyens de visioconférence pour la tenue à distance de toutes les réunions des organes de gouvernance des Sociétés Anonymes ainsi que leurs Assemblées Générales dans le respect des dispositions de l’article 50 bis de la loi 17-95. A noter que les statuts ne doivent pas prévoir de clause contraire. Cependant, cette clause est inapplicable lorsque des circonstances exceptionnelles l’exigent et sont déclarées par les autorités publiques.

VII. Implication des Directeurs Généraux Délégués et des Actionnaires dans l’obligation de communication des conventions réglementées

Actuellement, l’Administrateur et/ou le Directeur Général intéressé sont les seuls  être tenus d’informer le Président du Conseil, dès qu’ils ont eu connaissance d’une convention à laquelle l’article 56 est applicable

La loi modifie l’article 58 en ajoutant le Directeur Général Délégué et les Actionnaires qui pourraient être aussi intéressés parmi les personnes tenues d’informer le Président du Conseil.

VIII. Institution de l’obligation de tenue du Conseil d’Administration au moins deux fois par an

Auparavant, aucune précision n’était donnée quant au nombre de fois où le conseil devrait être tenu, toutefois, le 4ème alinéa de l’article 73 précise que lorsque le conseil ne s’est pas réuni depuis plus de deux mois, le directeur général ou le tiers au moins des administrateurs peut demander au président de convoquer le conseil. Lorsque le président ne convoque pas celui-ci dans un délai de 15 jours à compter de la date de la demande, ledit directeur général ou lesdits administrateurs peuvent convoquer le conseil d’administration à se réunir.

La loi 19-20 prévoit que les réunions du CA doivent être tenues au moins deux fois par an et aussi souvent que la bonne marche des affaires sociales le nécessite. Ensuite, elle précise que lorsque le Conseil ne s’est pas réuni depuis plus de trois mois, le Directeur Général ou le tiers au moins des Administrateurs peut demander au Président de convoquer le Conseil. Lorsque le Président ne convoque pas celui-ci dans un délai de 15 jours à compter de la date de la demande, ledit Directeur Général ou lesdits Administrateurs peuvent convoquer le Conseil d’Administration à se réunir